Gabriel Fauré
C’est l’extase
Soir
Prison
Spleen
En sourdine
Sérénade Toscane
Camille Saint-Saëns
L’enlèvement
Rêverie
La cloche
Claude Debussy
La mort des amants
Recueillement
Francis Poulenc
Bonne journée
Une ruine coquille vide
Le front comme un drapeau perdu
Une roulotte couverte en tuiles
A toutes brides
Une herbe pauvre
Je n’ai envie que de t’aimer
Figure de force brûlante et
farouche
Nous avons fait la nuit
BIS :
Poulenc, Bleuet
Hahn, Offrande
Poulenc : Les
ponts de Cé
Yann Beuron – ténor
Antoine Palloc – piano
L’instant lyrique à Eléphant Paname (Paris), 26
septembre 2016
Entends, ma chère, entends
la douce Nuit qui marche
Baudelaire.
La mélodie française est un répertoire exigeant, réclamant profondeur et
intimité, musicalité et empathie. Cet art qui demande, plus encore qu’une
diction ciselée, une intime conviction et un entendement fulgurant de ces
miniatures en clair-obscur, Yann Beuron le possède absolument. Ce
remarquable conteur, prince dont le répertoire français est le royaume, a
délivré ses sortilèges pour nous conduire doucement à travers les univers
contrastés de Fauré (dont on ne rappellera pas le disque magistral qu’il grava pour
Timpani en 2009, tant il reste présent en mémoire), Debussy et Poulenc. Comme
son grand aîné Hugues Cuénod, dont il est l’un des seuls vrais héritiers, il
sait safraner d’une inflexion, d’un infinitésimal retard, d’une pause qui
s’emplit de vertige, les vers qu’il nous offre. Ductilité de la ligne de chant,
fausse légèreté qui a l’élégance de son émotion contenue, sympathie frémissante
avec les destins ici effleurés, sont les maîtres mots d’un chant qui emporte
bien loin, dans la pureté de son élan et la mélancolie d’immuables regrets. Ni
la fermeté ni la flamme ne sont absentes de ces scènes intimes ou paysages
esquissés d’un trait, zébrant d’un miroitement à la Turner des encres
tourmentées qu’on croirait issues de la plume de Victor Hugo. Tendre,
caustique, éploré ou méphistophélique, le ténor joint le geste au galbe de la
voix, en des traits dont le silence perpétue le tracé, incarnant pleinement ces
poèmes qui brillent d’un éclat subit, avant de replonger dans leurs limbes
oubliées. Susurrant des secrets qui semblent à nous seuls destinés. Clamant des
impressions qui bruissent depuis leurs cénacles de papier.
Au sein de ce florilège de vieux amis à la postérité plus ou moins
assurée, il faut distinguer trois merveilles peu fréquentées, celles de
Saint-Saëns ; un flamboiement très Jeune France (Théophile Gautier n’est pas
loin…) s’allie à un humour désabusé teinté d’enthousiasme, en un fascinant
oxymore (« Viens ! nos doux chevaux
mensonges / Frappent du pied tous les deux, / Le mien au fond de mes songes, /
Et le tien au fond des cieux » L’enlèvement)
ou en un panorama où la pénombre n’altère pas la beauté (La cloche).
En Antoine Palloc, Yann Beuron a trouvé plus qu’un complice. C’est
dans une fraternité absolue que ces deux musiciens tissent ces récits qui, pour
leur brièveté, n’en sont pas moins immenses. Cette entente coruscante trouve
son accomplissement dans le cycle des mélodies de Poulenc qui clôt la soirée :
dans un équilibre sidérant, qui fait la part entre amertume, dérision, orgueil
et flamboiement, les ruptures et les essors de ce grand maître des destins
humains, trouvent une apothéose. Ce piano séduisant et coloré, inexorable et
sensible, à l’empathie magistrale, s’insinue entre les mots et fait sourdre
ceux que le poète n’a pu dire qu’en creux. Et qu’on écoute encore alors que la
dernière note s’est tue. Eperdument.
Emmanuelle Pesqué
Ce texte a été écrit pour ODB-opera.
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